Pologne 1989-2009 : des grèves de Solidarnosc à la démocratie

Article paru dans Le Genevois du 17 avril 2009

De tous les ex-pays du bloc communiste, la Pologne est sans doute celui où la résistance au totalitarisme communiste et à l’URSS n’a jamais cessé de se manifester depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, soutenue par une Eglise catholique très influente. Des évènements du Jeudi noir de Poznan (28 juin 1956) à la grève déclenchée le 14 décembre 1970 aux chantiers navals de Gdansk, où la milice tira sur la foule en faisant de nombreux morts. A cette occasion Lech Walesa et Tadeusz Mazowiecki ont réussi, 10 ans avant la chute du mur de Berlin, à ébranler le régime communiste en Pologne.

Il ne faut pas oublier que la Pologne n’a jamais été une république socialiste comme les autres. C’est sans doute elle qui a résisté avec le plus de force à un système qui lui était imposé par les Soviétiques. La collectivisation des terres y avait été stoppée et le rôle des paysans petits propriétaires était important. Les ouvriers des chantiers navals et des aciéries étaient très combatifs. Lorsqu’ils ont découvert que les responsables de leur bas niveau de vie étaient les communistes du gouvernement qui profitaient personnellement du système, c’est contre eux qu’ils ont déclenché leur lutte finale.

En 1989 le pays est, d’un point de vue économique, littéralement en ruine. En effet, l’incapacité du gouvernement communiste à résoudre les problèmes économiques pendant près de 40 ans malgré le lancement régulier de nouvelles réformes a amené les ouvriers à déclencher des grèves, qui ont fini par avoir raison de la dictature de la république populaire malgré le fait qu’elles ont été violemment réprimées. Avec l’arrivée au pouvoir du premier chef de gouvernement issu de l’opposition, ce ne sont pas seulement des problèmes économiques qui devront être résolus, mais également des problèmes institutionnels et politiques (reconnaissance par l’Allemagne de la frontière Oder-Neisse, par ex.), moraux (avortement, antisémitisme) et diplomatiques (rétablissement des relations diplomatiques entre la Pologne et Israël, reconnaissance par l’URSS de sa responsabilité dans le massacre de Katyn).

En 1990, lors des premières élections libres, Lech Walesa, la figure marquante de syndicat Solidarnosc accède à la présidence de la république. Cette élection a permis la transition vers une véritable démocratie en Pologne. Fervent catholique, il a reçu un appui remarqué de son compatriote, le pape Jean-Paul II, premier pape slave de l’histoire. En 1995, de nombreux électeurs reprochent au président son trop grand conservatisme moral, l’importante place prise par l’Église catholique dans la vie politique et surtout la mise en place de politiques économiques de rigueur, jugées néolibérales et contraires à son programme de campagne. Il perdra l’élection présidentielle face à l’ancien communiste Aleksander Kwasniewski. Ce dernier développe une politique résolument atlantiste: sa présidence est marquée par l’adhésion de la Pologne à l’OTAN en 1999,  le soutien actif à la guerre en Irak en 2003, l’adhésion à l’Union européenne en 2004, par un soutien à la Révolution orange en Ukraine. Ses années de gouvernement sont par contre marquées par des affaires de corruption à répétition, ce qui amènera sa chute lors des élections de 2005 et l’arrivée au pouvoir du conservateur Lech Kaczynski, qui, pour se faire élire, a promis une révolution morale aux Polonais. Rapidement, son gouvernement est critiqué pour diverses raisons: son frère jumeau devient premier ministre, certains membres du gouvernement sont affiliés à la frange ultraconservatrice de l’Eglise catholique, professent des idées ultra-nationalistes et antisémites. Mais c’est surtout un projet de loi de 2007 visant à purger l’administration des anciens collaborateurs des services secrets communistes qui a suscité un immense tollé. Tous ces éléments ont ruiné la popularité du parti gouvernemental auprès des intellectuels, de la classe moyenne et des jeunes. En octobre 2007, ce parti perd d’ailleurs les élections législatives anticipées qui sont remportées par la Plateorme civique menée par le parti de Donald Tusk. Devenu premier ministre, il applique un programme économique libéral mais socialement conservateur!

Ces péripéties occultent en partie les problèmes économiques quotidiens auxquels sont confrontés les Polonais et qui se sont encore aggravés depuis le début de la crise financière à la fin 2008. Vingt ans après la chute de la dictature communiste, nonante ans après la renaissance de l’Etat polonais et l’établissement de relations diplomatiques avec la Suisse, c’est une forme de dictature financière ultralibérale qui met les Polonais à genoux.

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