Carrefour Médias n° 34 – printemps/été 2008 – Journal de l’USAP
Le journal d’un périple inoubliable
Aucun parcours ferroviaire n’égale le Transsibérien. Ses voies ont survécu à la Révolution communiste, à deux guerres mondiales, aux famines, aux inondations, aux hivers glaciaux et aux étés torrides de la Sibérie, traversent sept fuseaux horaires et font le lien entre l’Extrême-Orient russe et la Russie d’Europe. Les rames du Transsibérien n’ont rien de particulièrement glamour et ses trains ne sont pas pour les voyageurs pressés : la vitesse moyenne est de 60 km/heure. Néanmoins, le voyage n’est jamais ennuyeux, en partie grâce aux rencontres avec les autres passagers et passagères, toujours prêts à partager un repas avec un verre de vodka ou à engager la conversation.
Les hommes russes préfèrent fraterniser à la vodka afin de mesurer la résistance de l’Occidental ! Les femmes russes, elles, apprécient les marques de galanterie des Occidentaux et y répondent avec un sourire ravageur. Quant aux enfants sibériens, c’est le côté exotique de l’Occidental qui les fascine. Les rencontres se déroulent la plupart du temps au wagon restaurant ou à l’occasion de l’une des multiples haltes techniques qui jalonnent le parcours toutes les 6 à 8 heures. Si l’on veut profiter de petits conforts supplémentaires, une bonne entente est indispensable avec le personnel attribué à chaque wagon !
28 mai: notre périple s’effectuera à contre-courant, au départ de Vladivostok, capitale de l’Extrême-Orient russe, vers Moscou car Moscou – Vladivostok est réputé pour la charge de «trains spéciaux blindés», surtout bondés de touristes américains.
29 mai: après avoir longé la frontière russo-chinoise durant la première nuit de voyage, nous arrivons à Khabarovsk, ville animée et charmante sur les rives de l’Amour. Puis, à 2 heures à l’Ouest, Birobidjan capitale de la Région autonome juive, créée en 1927 à l’initiative de Staline, mais qui ne compte en réalité de nos jours plus que 2 % de population juive suite à l’émigration massive qui a suivi l’établissement de relations diplomatiques entre la Fédération russe et Israël en 1991.
30 mai: à la frontière entre l’Extrême-Orient russe et la Sibérie, entrée en gare de Ierofeï Pavlovitch, du nom de l’explorateur russe qui a également donné son nom à Khabarovsk (Ierofeï Pavlovitch Khabarov). Puis, traversée des immensités de la steppe sibérienne. Souvenirs indélébiles ; bouleaux, marais et plaines se perdent à l’horizon et alternent sans cesse.
31 mai au matin: avant de longer la rive sud du magnifique lac Baïkal, halte dans la cité fascinante d’Oulan-Oude, où se mêlent les cultures russes et bouriates. Arrivée le soir même à Irkoutsk dans laquelle une halte de 48 heures pour une visite approfondie de la ville vaut à elle seule le voyage. En forme de croissant, le lac mesure 636 kilomètres du nord au sud, mais seulement 60 kilomètres de large. Lac le plus profond du monde (1 637 mètres), il contient près d’un cinquième des réserves d’eau douce de la planète. Sa température est froide (jamais plus de 15°) et l’eau claire : la visibilité atteint 40 mètres en profondeur.
Le 2 juin, vers l’Ouest, nous atteignons Krasnoïarsk, la ville qui franchit l’Ienisseï, l’un des plus beaux cours d’eau de toute la Sibérie.
Le 3 juin: courte halte à Novossibirsk, «capitale» de la Sibérie : cette halte permet de comprendre comment cette ville, fondée en 1893 autour du pont sur l’immense fleuve Ob, est devenue une plaque tournante, dans cette région aux ressources naturelles impressionnantes.
Enfin le 4 juin au soir nous atteignons Iekaterinbourg, ville dans laquelle le dernier tsar et sa famille furent assassinés en 1918. Capitale culturelle et économique de l’Oural, passage obligé des voyageurs, qui, en l’atteignant, quittent l’Asie.
Nous repartons le matin du 5 juin pour un trajet de 24 heures qui nous mènera à Moscou en passant par Kazan, l’une des plus anciennes villes de Russie, qui vient de fêter son millénaire en 2005, et dont le centre est bordé par le plus célèbre des fleuves russes : la Volga.
Ienisseï, Ob … Volga : des fleuves à l’échelle des immensités traversées. Le Rhin serait-il un ruisseau ?
Le 6 juin, 09h10 : Moscou. Capitale de toutes les Russies et terminal de ce périple de 9286 km. Moscou est l’exemple parfait des immenses contrastes de la société russe, et de la puissance économique du pays : 80% de la masse monétaire du pays y circule, mais 60% de la population y vit en dessous du seuil de pauvreté.
Pour qui veut comprendre l’Ame russe, traverser une fois cet immense pays en Transsibérien est indispensable.