RDA 1989 – 2009. «Good bye Lenin»

Article paru dans Le Genevois du 13 mars 2009

Au printemps 1989, six mois avant la chute du Mur de Berlin, alors que l’attention mondiale se focalisait sur la place Tien An Men, la Hongrie décidait de démanteler les infra structures du «rideau de fer» qui bouclaient sa frontière avec l’Autriche. Cette décision, passée à ce moment pratiquement inaperçue en Europe occidentale, allait permettre aux citoyens de la RDA de contourner le mur de Berlin et de provoquer dès le début de l’été un exode de plus en plus massif de ces derniers (fuyant le paradis de l’Etat socialiste dirigé par le peuple pour le peuple) vers la RFA.

Le processus qui allait aboutir à la réunification allemande était lancé. En un peu plus de 18 mois, le pays le plus policé du monde (le système mis en place par le Parti encourageait la délation jusque dans le cercle familial), celui qui avait élevé le mensonge au niveau du dogme d’Etat (la justification du mur de Berlin en est un exemple frappant: officiellement il s’agissait du mur de protection antifasciste), celui le plus attaché à l’économie planifiée, celui qui était le plus fidèle allié de Moscou dans le cadre du Pacte de Varsovie allait d’abord friser l’implosion, avant de se retrouver intégré non seulement dans l’Union européenne, mais aussi dans l’OTAN.

N’oublions en outre pas, qu’en violation de tous ses engagements internationaux, la RDA a offert jusqu’à la réunification une «planque» aux terroristes membres de la Bande à Baader qui s’étaient réfugiés sur son territoire, en leur fournissant non seulement une nouvelle identité, mais en les intégrant dans le «paradis des travailleurs».

Durant ces 18 mois remplis d’une intense activité politique, diplomatique et économique, les citoyens de l’ex-RDA (les «Ossis») et de la RFA (les «Wessis») sont passés du stade de l’euphorie de la chute du mur à la prise de conscience de la brutale réalité liée à la fusion de deux systèmes politiques totalement incompatibles. Les «Wessis» car ils se sont rendus compte qu’ils allaient payer très chèrement la reconstruction d’une partie de leur pays livré pendant près de 40 ans à l’incurie d’un gouvernement de gauche et la mise en application (avec l’aide de la force si nécessaire) de dogmes utopiques. Les «Ossis», car ils seront les victimes de la brutalité des changements pour les habitants de la RDA, puisque l’univers dans lequel ils végétaient (en rêvant à la vie de «l’autre côté») s’est écroulé à la chute du mur. On ne rattrape pas 40 ans d’immobilisme socialiste (transports publics dans un état de délabrement total, désastres écologiques, système social basé sur le népotisme et le favoritisme, etc…) en quelques mois, même avec un financement massif. Il faut à ce sujet avoir vu le film de Wolfgang Becker, «Goodbye Lenin» qui illustre parfaitement cette période de transition. Le succès qu’il a d’ailleurs remporté aussi bien dans les «Länder» de l’ancienne RFA que dans ceux issus de l’ex-RDA montre qu’il a été perçu bien au-delà comme un révélateur des désillusions qui ont suivi la réunification allemande.

Aujourd’hui, presque vingt ans après la chute du mur, la césure entre les nouveaux et les anciens «Länder» reste frappante et la déception est amère: chômage plus lourd et niveau de vie plus faible qu’à l’Ouest. Cependant une aide massive, la mise en application de réformes économiques, techniques et sociales ont permis de réduire les écarts. Aujourd’hui, seuls les «Ostalgiker» (et le Parti communiste) regrettent la vie telle qu’elle était avant la chute du mur. Ces derniers, car ils sont toujours prisonniers de leurs dogmes et utopies et pensent pouvoir profiter des désillusions provoquées par la réunification pour se profiler et retrouver le pouvoir. Inexistants à l’Ouest, ils sont quantité négligeable à l’Est, sauf dans certaines villes (qui sont comme par hasard les plus touchées par le chômage). Les premiers parce qu’ils ont principalement la nostalgie de leur jeunesse, du temps où l’Etat pensait et réfléchissait pour eux. Ironie du sort: dans les dernières années du régime est-allemand c’est cette jeunesse qui rêvait le plus «à l’autre côté» tout en ironisant sur les prouesses économiques et technologiques du pays, comme par exemple les innombrables blagues sur les Trabants ( »das Wunderwerk der sozialistischen Spitzenindustrie », soit « le miracle de l’industrie de pointe socialiste »), voiture qui est devenue avec le temps l’un des symboles des «Ostalgiker».

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